Avec la “Roadmap and Action Plan for a Circular Economy (2023-2033)”, Maurice prend un engagement ferme pour une véritable transition vers une économie circulaire.  La feuille de route et le plan d’action ont fait l’objet d’une présentation dans le cadre d’une rencontre du Club des Entrepreneurs de l’Économie Circulaire de Business Mauritius, chez UBP à Trianon, le 12 décembre dernier. Des représentants du ministère de l’Environnement, de la Gestion des déchets solides et du Changement climatique ont dévoilé les axes stratégiques et les objectifs de ce plan ambitieux, conçu pour transformer le modèle économique du pays tout en répondant aux impératifs écologiques et économiques.

PHOTO (Daniel Chan) : Le Club des entrepreneurs de l’économie circulaire est une initiative de Business Mauritius. Ses rencontres sont un espace d’échanges entre entrepreneurs sur les avancées dans la promotion de l’économie circulaire à Maurice. La dernière rencontre a eu lieu en décembre dernier à Trianon, dans les locaux d’UBP.

Parmi les défis environnementaux majeurs auxquels Maurice est confronté, la gestion des déchets à Mare Chicose, unique site d’enfouissement du pays, reste l’une des préoccupations les plus pressantes. En novembre 2024, ce lieu est une nouvelle fois au centre de l’actualité après avoir été frappé par un incendie, saturé par des volumes de déchets en constante augmentation. C’est dans ce contexte critique que doit être déployée la Feuille de route pour une économie circulaire 2023-2033, un plan stratégique qui vise à transformer le modèle économique et environnemental mauricien.

Le site de Mare Chicose, ouvert en 1997, illustre les limites du modèle économique linéaire de Maurice, où les déchets, produits en quantités croissantes, finissent principalement en décharge. En 2023, le volume de déchets enfouis a atteint 541 141 tonnes. Ces chiffres alarmants témoignent de l’urgence d’une transition vers une économie circulaire. “Continuer ainsi n’est pas viable”, a reconnu un représentant du ministère lors de la présentation. “Nous devons repenser la manière dont nous produisons, consommons et gérons nos ressources.”

Pourquoi une économie circulaire pour Maurice ?

Face à l’augmentation continue des importations (+9 % en janvier 2024 par rapport à janvier 2023) et du volume des déchets (+9,5 % en 2023 par rapport à 2022), Maurice est confronté à des pressions accrues sur ses ressources naturelles et ses infrastructures de gestion des déchets. L’adoption d’un modèle circulaire vise, en outre, à :

  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre,
  • Créer de nouvelles opportunités économiques,
  • Contribuer à une relance verte post-COVID,
  • Atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’Agenda 2030 et respecter l’Accord de Paris sur le climat.

Une feuille de route participative pour une transition impérative

Fruit d’un processus participatif impliquant plus de 100 acteurs comprenant agences gouvernementales, secteur privé, monde académique et ONG, la feuille de route a été validée lors d’un atelier national en juin 2023 et adoptée par le gouvernement en août 2023. L’objectif est clair : passer d’une économie productrice de déchets à une économie circulaire, où les déchets deviennent des ressources. Il s’agit ainsi de faire de l’économie circulaire un outil stratégique qui permettra une transformation en profondeur du tissu économique du pays.

Les cinq piliers stratégiques :

  1. Revoir le design des produits : Intégrer la circularité dès la conception, en favorisant des matériaux recyclables ou biodégradables.
  2. Promouvoir une consommation durable : Encourager des choix responsables et réduire la surconsommation.
  3. Améliorer la gestion des déchets : Mettre en place le tri à la source et renforcer les infrastructures de recyclage.
  4. Adopter des modèles économiques circulaires : Développer des solutions innovantes, telles que la location de biens (produits comme service) ou l’extension de la durée de vie des produits par la réparation.
  5. Promouvoir une culture circulaire : Sensibiliser et éduquer la population pour ancrer des pratiques plus durables dans la société mauricienne.

Des objectifs à long terme ambitieux

D’ici 2033, Maurice vise des résultats concrets :

  • Productivité des ressources : +25 % d’efficacité (PIB/kg de consommation de matériaux).
  • Réduction des déchets : -10 % des déchets solides municipaux par habitant.
  • Diminution du gaspillage alimentaire : -50 %.
  • Recyclage du plastique : Atteindre 50 %.
  • Détournement des déchets des décharges : 70 %.
  • Taux national de recyclage : Passer de 4 % actuellement à 50 %.
  • Emplois verts : Création de 10 000 emplois et une contribution de 1,5 % au PIB.

Secteurs prioritaires et plateformes de collaboration

Cinq secteurs clés ont été identifiés pour leur potentiel de circularité :

  • Agroalimentaire : Réduction du gaspillage et recyclage des nutriments.
  • Biens de consommation : Allongement de la durée de vie des produits et recyclage accru.
  • Mobilité et logistique : Transition vers des systèmes de transport intelligents et sans énergies fossiles.
  • Gestion des déchets : Amélioration des infrastructures de tri et de recyclage.
  • Construction et immobilier : Minimisation des matériaux vierges, optimisation des cycles de vie des matériaux et recyclage les déchets de chantier.

Des plateformes sectorielles, réunissant acteurs publics et privés, ont été mises en place pour coordonner les actions : par exemple, le secteur de l’agroalimentaire est co-dirigé par le ministère de l’Agriculture et la Chambre d’Agriculture.

Secteur privé : un rôle central dans la mise en œuvre de la transition

Lors de la présentation, les représentants du ministère ont insisté sur le rôle central du secteur privé dans la mise en œuvre de cette transition. En effet, gros producteur de déchets avec un impact écologique très conséquent, le secteur privé joue un rôle central dans la transition vers une économie circulaire. Co-président du comité de pilotage, il participe activement aux discussions et initiatives. Des projets pilotes, tels que le ECONO-Biz Project impliquant 90 PME, montrent déjà comment les entreprises peuvent adopter des pratiques plus vertes et efficaces.

Un cadre facilitateur : environnement législatif et soutien financier

La feuille de route est soutenue par :

  • Un cadre légal renforcé : La Waste Management and Resource Recovery Act de 2023 et la nouvelle Environment Act de 2024 intègrent désormais les principes de l’économie circulaire.
  • Le budget national : Initiatives de tri à la source, suppression des taxes sur les bouteilles plastiques biodégradables, et soutien à l’importation de pneus usagés pour rechapage.
  • Un soutien international : L’Union européenne offre un soutien technique de 3,5 millions d’euros au programme pour soutenir le secteur de la construction et réduire les déchets de démolition.

Sensibilisation et éducation : une mobilisation collective pour un avenir durable

La réussite de cette transition repose sur l’éducation et la sensibilisation : des vidéos pédagogiques et des foires anti-gaspillage ont déjà été organisées pour promouvoir les principes de l’économie circulaire auprès du grand public et des entreprises. “L’économie circulaire ne peut être un one-man-show. Au ministère de l’Environnement, on en a parfaitement conscience. La feuille de route mise sur une gouvernance ouverte et inclusive pour assurer la coopération entre le public, le privé et la société civile”, a déclaré un fonctionnaire.

Avec des objectifs clairs, des actions concrètes et un cadre de suivi rigoureux, Maurice s’engage dans une décennie de transformation vers un modèle économique plus résilient, inclusif et respectueux de l’environnement. Le pari est donc pris pour réduire la production totale de déchets par PIB de 10% d’ici 2033 pour l’établir à 33,5 tonnes par million de dollars américains par rapport à 37,2 tonnes par million de dollars américains en 2019.