Avouons-le, lorsqu’on nous parle de token, bitcoin, blockchain, fintech, souvent, on regarde de loin. On pense au Bitcoin comme monnaie alternative aux États, on a lu la presse en constatant de nombreuses faillites dans ce secteur avec des clients qui ont tout perdu. Bref, on se dit que cela n’est pas très sérieux.

Pourtant, sur un plan juridique le secteur commence à être très bien encadré, au niveau européen (règlement MicA), au niveau international (OCDE et GAFI pour prévenir le blanchiment des capitaux) et même avec des pays comme Maurice qui se sont dotés à partir de 2022 d’une législation complète qui n’a rien à envier à l’Europe.

Comment cela marche pour faire simple ?

A la base, un jeton numérique (ou token), lequel est une représentation numérique d’une valeur qui n’est pas garantie par une autorité publique ou la banque centrale d’un Etat. Il existe trois types de jetons (selon le Règlement européen MiCA) : le jeton de monnaie électronique (comme le Bitcoin), le jeton utilitaire (sa détention permet l’accès à un service, par exemple le Binance Coin BNB qui permet de régler les frais de négociation en Bourse) et le jeton d’actifs (sa détention permet l’accès à la propriété d’un actif réel, par exemple des titres de sociétés dans le cadre d’une levée de fonds). Ce jeton, une fois émis, est inscrit sur un DEEP (dispositif d’enregistrement partagé ou Distributed Ledger Technology) inscrit dans la Blockchain (mode de stockage et de transmission de données réputé inviolable). Le DEEP trace l’ensemble des opérations opérées sur le jeton, traçables par son détenteur avec sa clé privée et sa clé publique (l’équivalent du couple RIB – IBAN pour un compte bancaire). Le gestionnaire du DEEP est généralement autorisé par l’autorité étatique de contrôle des marchés financiers (AMF en France, FSC à Maurice par exemple). Au moment de l’acquisition du jeton, il est souscrit un contrat juridique qui définit préalablement les obligations contractuelles (le contrat intelligent ou smart contract).

Jusqu’à 5000 milliards de dollars d’actifs «réels» tokénisés en 2030.

C’est le développement des jetons d’actifs qui va révolutionner un certain nombre de secteurs à l’avenir. On pense bien sûr et en premier lieu à la détention d’actions de sociétés. On pense aussi au secteur de l’immobilier et au secteur du luxe. La tokénisation va permettre de diviser des actifs en petites fractions, ouvrant certains biens à une population beaucoup plus large (immeuble de luxe, immobilier institutionnel, œuvres d’art divisés en un nombre de jetons suffisants pour être accessibles financièrement), avec une garantie de rendement jusqu’ici réservée à une élite, mais aussi plus facilement «vendable». Cette tokénisation va permettre en outre d’entraîner un gain de temps et des économies (pas de frais d’enregistrement ; plus de processus de vente chronophage avec notaire et avocat). Enfin, c’est rassurant car le jeton numérique donne accès à un bien qui est tangible, qui existe et qui a une valeur tangible.

Bien sûr, tout ceci n’en qu’à ses débuts, et les offres de jetons d’actifs réels restent très limitées. Mais il n’est pas impossible en raison notamment de l’évolution du cadre réglementaire que les jetons puissent remplacer une part importante des investissements en pierre papier et séduisent certains institutionnels pour diversifier leurs fonds d’investissement : Citi Bank prévoit qu’en 2030 entre 4 à 5000 milliards de dollars d’actifs «réels» seront tokénisés.

 

Olivier Guérin est avocat fiscaliste à Maurice, membre de Légalys, firme d’avocats inscrite à Maurice, Mayotte, La Réunion et Paris. Présent dans la zone depuis près de 15 ans, il est passionné par les enjeux de l’Indianocéanie.