Si les derniers résultats pour les Législatives sont tombés tôt durant les petites heures de mardi matin, dès le début du dépouillement, il ne faisait aucun doute : le gouvernement sortant a subi une humiliante défaite, sans appel. Tous les 60 sièges de parlementaires des 20 circonscriptions sur l’ile de Maurice (excluant Rodrigues où deux sièges étaient en jeu) ont été remportés par l’Alliance du Changement, une coalition de quatre partis (MMM, PTr, ND et ReA). Avec un taux de participation de 79 % et des poussières, les Mauriciens ont exprimé leur mécontentement de manière nette au gouvernement sortant qui trainait de nombreuses casseroles. Le gouvernement MSM, actuellement sous le leadership de Pravind Jugnauth, a occupé le pouvoir pendant 10 ans.

PHOTO (DR) : Photo prise dans un centre de dépouillement lundi soir. Les législatives ont eu lieu le dimanche 10 novembre. Les derniers résultats ont été annoncés durant les petites heures du matin ce mardi 12 novembre, confirmant ce qui se dessinait depuis le début du dépouillement : une victoire écrasante de l’Alliance du Changement.

Les élections législatives ont eu lieu le dimanche 10 novembre 2024. Maurice est gouverné par un système parlementaire unicaméral (c.-à-d. une chambre unique), hérité de l’époque coloniale britannique. Le Parlement est composé du président et de l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale se compose de 70 sièges : trois députés pour chacune des 20 circonscriptions de l’ile Maurice, 2 parlementaires élus à Rodrigues et jusqu’à huit parlementaires qui sont les meilleurs perdants, issus des minorités reconnues par la Constitution pour en assurer la représentativité. Le président est lui chef de l’État et est désigné par l’Assemblée nationale. Le gouvernement est composé du premier ministre et de ses ministres, issus du parti, ou de la coalition de partis, majoritaire de l’Assemblée nationale.

L’Alliance du Changement composé du Parti Travailliste (PTr), du MMM (Mouvenement Militant Mauricien), des ND (Nouveaux démocrates) et ReA (Rezistans ek Alternativ), a remporté avec une confortable avance les 60 sièges qu’ils pouvaient remporter à Maurice ; cela aux dépens du parti au pouvoir, le MSM (Mouvement Social Militant) qui comptait comme partis alliés, le PMSD (Parti Mauricien Social Démocrate) et Mouveman Liberater, entre autres. Le gouvernement de Pravind Jugnauth (leader du MSM et premier ministre sortant) a perdu ces élections lourdement, sanctionné pour plusieurs casseroles. Récemment, lors de la campagne électorale, des écoutes téléphoniques illégales compromettantes pour le gouvernement alors en place ont été diffusés en ligne par une source anonyme. Le gouvernement a contesté l’authenticité de ces bandes sonores qui démontreraient une ingérence du gouvernement dans plusieurs institutions de l’État, dont la police. Le gouvernement sortant a ainsi pris la décision de couper l’accès aux réseaux sociaux. Si cette interdiction devait durer une dizaine de jours, soit jusqu’au jour des élections, le premier ministre Pravind Jugnauth a rapidement fait marche arrière vu les réactions vives de la société civile.

 

PHOTO (Shaad Chellapermal) : Navin Ramgoolam (en rouge), 77 ans, sera secondé par Paul Bérenger (en mauve), 79 ans, leader du MMM.

Navin Ramgoolam, de nouveau premier ministre, après 10 ans

Le nouveau gouvernement sera dirigé par Navin Ramgoolam, 77 ans, leader du Parti Travailliste, ancien premier ministre et fils de Sir Seewoosagur Ramgoolam (« Père de la nation »), premier Premier ministre du pays après l’indépendance pour laquelle il avait milité. Navin Ramgoolam qui, en 2014 et 2019, avait échoué à se faire élire à l’Assemblée nationale, sera secondé par Paul Bérenger, 79 ans, leader du MMM. Après une courte mais intense campagne électorale, le nouveau gouvernement aura du pain sur la planche pour restaurer la confiance de la population dans les institutions de l’État. Les centres de vote et de dépouillement ont été sous haute tension, surveillés de manière paranoïaque par les agents politiques tant la confiance dans les institutions de l’État est effritée.

Le nouveau gouvernement devra faire face aussi à une situation économique compliquée avec une inflation galopante et, pour compliquer leur tâche, l’Alliance du Changement est entrée dans une surenchère de mesures sociales, voire socialistes, lors de la campagne électorale. Nommons les promesses d’augmentation des salaires et des pensions, le transport public gratuit pour tous, ainsi le paiement des 14e mois de salaire pour tous les salariés, alors qu’une des priorités du gouvernement est la stabilisation de la roupie mauricienne.

Pour rappel, lors des précédentes élections législatives, en 2019, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger n’avaient pas su trouver d’accord politique pour une alliance et ont perdu les élections, dans une rare course à trois, au profit du MSM. Mais ce lundi 11 novembre 2024, Pravind Jugnauth a rapidement concédé la défaite malgré la confiance affichée jusqu’à la veille du scrutin. En politique, les opposants d’aujourd’hui sont les alliés de demain.

Quid de l’opposition ?

L’Alliance du changement a aligné 60 candidats qui ont remporté les 60 sièges en jeu. Deux autres sièges en jeu à Rodrigues ont été remportés par L’Organisation du peuple rodriguais (OPR). Hormis ces 62 députés élus directement au suffrage universel, le système “Best Loser” inscrit dans la Constitution permet d’ajouter jusqu’à huit députés supplémentaires, alloués aux candidats de diverses communautés qui n’ont pas réussi à se faire élire directement. Ce système cherche à assurer une représentation des différentes communautés de l’île, reflétant ainsi la diversité ethnique de la population mauricienne.

Les quatre premiers sièges sont attribués aux candidats les plus performants parmi les “perdants” non élus, issus de différents partis, en tenant compte de leur appartenance communautaire. Les quatre sièges suivants sont eux accordés de manière à favoriser, dans la mesure du possible, le parti le plus représenté à l’Assemblée nationale, tout en maintenant la diversité communautaire. Les candidats retenus pour ces sièges doivent appartenir à des communautés sous-représentées par rapport aux résultats électoraux, en référence à un recensement datant de 1972 qui identifie les groupes ethniques reconnus. Selon toute vraisemblance, seulement quatre sièges seront accordés aux meilleurs perdants. Ainsi, le leader de l’opposition qui est un poste constitutionnel et central du système parlementaire mauricien sera un “Best loser”.