Matthieu Saliman-Hitillambeau, spécialiste des écosystèmes insulaires, travaille au sein du ministère français de l’Ecologie, à La Réunion. Il est l’auteur du « Grand livre de la flore et la faune originelles des Mascareignes » (édité chez Orphie).
Il revient ici pour nos lecteurs sur la conférence intitulée « Mascareignes : que reste-t-il de la Nature des origines ? », organisée en 2023 par la Mauritian Wildlife Foundation.

PHOTO DR : Français et Mauricien, ingénieur agronome, spécialiste des écosystèmes insulaires, Matthieu Saliman-Hitillambeau est l’auteur du Grand livre de la flore et la faune originelles des Mascareignes.

Lors de la conférence, l’agronome avait emmené son auditoire dans un voyage dans le temps, il y a quatre siècles, pour apercevoir ce qu’il y avait sur ces trois îles avant les champs de cannes, avant les villes et les villages, en commençant par une question : « finalement, en quoi la biodiversité des Mascareignes est-elle si particulière ? », et d’enchaîner : « Est-ce par pur chauvinisme que nous expliquons aux voyageurs de passage que notre Nature est plus exceptionnelle qu’ailleurs ? »
Mais pour bien comprendre la situation des Mascareignes, il faut dépasser le lieu commun et d’objectiver l’analyse à travers trois critères selon le conférencier.

 Des laboratoires de l’évolution.

Un taux d’endémisme élevé : C’est le premier critère. Les Mascareignes sont des îles volcaniques, nées dans l’océan, et n’ont jamais été rattachées à un continent. Cet isolement géographique a fait de ces îles des laboratoires de l’évolution : parmi les espèces indigènes, certaines y ont évolué au point de devenir complètement différentes de leurs ancêtres. Sont ainsi apparues des espèces que l’on ne retrouve nulle part ailleurs : des espèces endémiques.
Pour les plantes à fleurs, si l’on calcule le rapport endémiques/indigènes, on obtient 37 % pour La Réunion, 43 % pour Maurice, 31 % pour Rodrigues. Ce sont des niveaux exceptionnels. (L’Europe, par exemple, ne compte que 1% d’espèces endémiques).

 Un record mondial de disparition.

C’est le deuxième critère. Depuis les années 1960, l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) a établi des listes d’espèces « en voie de disparition ». Après avoir collecté des données pendant 40 ans, l’UICN a également publié en 2003 la liste des espèces disparues. Ce qui a permis de réaliser un classement.
L’île Maurice se trouve en troisième position derrière Hawaï (États-Unis) et la Polynésie française. La Réunion est en 12e position. Un triste palmarès. On observe que les îles océaniques sont particulièrement représentées. Ces hauts lieux de l’endémisme sont aussi des espaces extrêmement fragiles.

Des témoignages inestimables.

Voilà le troisième critère. La grande différence entre les îles du Pacifique et les Mascareignes, c’est que l’arrivée de l’Homme à Maurice et à Bourbon y a fait l’objet de nombreux témoignages, écrits et datés. Ces écrits ont une très grande valeur, tant pour les historiens que les biologistes.
Un certain Villem Bontekoe, navigateur, explorateur et capitaine au service de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, écrivait en 1619 : « L’on y trouve quantité de ramiers de cette espèce qui a les ailes bleues. Ils se laissaient prendre avec les mains, ou bien on les assommait à coup de bâtons et de cannes, sans qu’ils fissent aucun effort pour s’envoler. En un jour on en tua bien deux cents. Comme nous fûmes plus avant dans la terre nous trouvâmes grand nombre d’oies, de ramiers, de perroquets gris et beaucoup d’autres gibiers, avec quantité de tortues de terre. Nous en vîmes bien vingt-cinq ensemble à l’ombre d’un arbre et nous en prîmes autant que nous voulûmes.»

Un Grand livre « archipélique »

Convaincu que les îles contiennent une part importante de la biodiversité mondiale et que ceux qui y vivent doivent en être les premiers conscients, Matthieu Saliman-Hitillambeau s’est efforcé dans son livre avec pédagogie et sur la base de nombreuses photos, dessins, et citations historiques, de présenter la richesse des Mascareignes en termes d’espèces et de milieux naturels. « J’ai eu l’ambition d’écrire un livre « archipélique », à cheval sur les trois îles de l’archipel : La Réunion, Maurice et Rodrigues. Au final, ce travail de synthèse rassemble 320 espèces, réparties selon neuf grands habitats naturels. Un énorme travail, en collaboration avec une vingtaine de scientifiques qui ont fait un travail poussé de relecture », raconte Matthieu Saliman-Hitillambeau.

 

Le Grand livre de la flore et la faune originelles des Mascareignes (édité chez Orphie) est en vente à Maurice chez Book Court et aussi à Super U (Grand Baie, Tamarin, Flacq), à Ebony Forest, au Domaine Labourdonnais et chez Press Book (Ruisseau créole).
A La Réunion : dans tous les magasins Fnac, à l’espace culturel Leclerc à la Zac Portail à Saint-Leu, à la librairie Gérard à Saint-Denis, à la librairie Autrement à Saint-Denis et à Saint-Pierre et à la Nouvelle Colombe au Tampon.