Mayotte n’a plus d’eau ! Voici plusieurs années que les responsables politiques locaux et la presse lancent des cris d’alarme pour prévenir du risque : la surpopulation a fait exploser la demande en eau. Malheureusement la faible pluviométrie de ces derniers mois a entrainé l’inévitable et aujourd’hui les robinets sont à sec, ce qui fait craindre, dans un climat social déjà très tendu une guerre de l’eau. Voici les derniers échanges entre le député Mansour Kamardine et le le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Question publiée au JO le : 04/04/2023
Réponse publiée au JO le : 18/07/2023 page : 6812

Question
M. Mansour Kamardine alerte M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer sur la gravité de la situation de l’eau
potable à Mayotte. En effet, comme le prévoyait Météo France à l’automne 2022, les difficultés, désormais
récurrentes, de production et de distribution de l’eau potable à Mayotte, dues notamment à l’explosion
démographique liée à l’absence de maîtrise de l’immigration clandestine, est amplifiée en 2023 par une saison des
pluies déficitaire par rapport à la moyenne. Alors que la plupart des foyers mahorais subissent des coupures d’eau
pour le 5e mois consécutif, que des tours d’eau sont organisés depuis des mois dans les communes et leurs quartiers,
souvent 3 fois par semaine, la situation est telle qu’il est envisagé que les coupures d’eau soient de 4 jours par
semaine. Aussi, les Mahorais risquent, à très court terme, d’être privés d’eau potable la majeure partie du temps. La
consommation de l’eau en bouteille va donc exploser dans les prochaines semaines, ce qui pourrait entraîner un
risque de pénurie qui serait catastrophique pour la situation sanitaire, alimentaire et sociale. De plus, le prix de l’eau
de source à Mayotte est jusqu’à 10 fois plus cher qu’en Métropole. C’est pourquoi il lui demande, sous le sceau de
l’urgence, premièrement, de prendre les dispositions nécessaires pour fournir Mayotte en eau potable importée en
quantité suffisante, deuxièmement, de prendre les mesures qui permettront de plafonner les prix de l’eau en
bouteille à un niveau acceptable pour la population la plus pauvre de France. Enfin, il lui demande les initiatives
qu’il envisage de prendre pour accroître à court terme la production d’eau à Mayotte en cette période à fort risque de
troubles sociaux pouvant entraîner des troubles importants à l’ordre public.

Réponse
La ressource en eau à Mayotte dépend à 95 % de la pluviométrie, les 5 % restants de la production étant assurés
par une usine de potabilisation de Petite-Terre. Le climat mahorais est marqué par une saison des pluies, qui
recharge les nappes et les retenues collinaires, et une saison sèche, pendant laquelle les usines de potabilisation
tirent sur les stocks réalisés jusqu’à la prochaine saison des pluies. Cette année, la saison des pluies a été quasi-
inexistante, générant la situation actuelle de sécheresse, inédite depuis 26 ans. Déjà, en 2017, Mayotte avait connu
une sécheresse importante, mais le niveau actuel de remplissage des retenues collinaires est plus faible qu’en 2017.
En dehors de la situation de crise que nous connaissons aujourd’hui, une tension existe structurellement sur la
ressource. Compte tenu de l’accroissement de la population (3 % par an), de l’accroissement de la consommation en
eau de la population, du besoin de modernisation des usinesle réseau fonctionne déjà en sous-capacité permanente
et ce malgré des investissements et des travaux importants réalisés ces dernières années. Les besoins d’investissement restent très importants. La situation est suivie avec la plus grande attention tant localement qu’au
niveau central. Depuis le début de la crise, la préfecture réunit toutes les semaines un comité de suivi de la
ressource en eau afin de faire un point sur la situation et d’ajuster les scenarii de restrictions (tours d’eau) à la
quinzaine en fonction de l’atteinte des objectifs d’économie de la ressource, de l’état des réserves et des prévisions
de pluies. L’ensemble des élus locaux (maires, Conseil départemental) et des parties prenantes du territoire
(entreprises, communauté scolaire, autorités religieuses, etc.) y sont invités. L’impact sanitaire est suivi et la
sécurité sanitaire assurée par un renforcement des moyens de l’Agence régionale de santé. De plus, de nouvelles
mesures préventives sur le réseau tels que la surchloration sur des points du réseau et mesure du taux de chlore en
bout de réseau (minimum 0,3 mg/L), le contrôle de la qualité microbiologique dans les eaux potables et sanitaires
par ATPmétrie ou encore la définition d’un plan de contrôle sur les sites fragiles ou les abonnés prioritaires ont été
mises en place. Comme prévu à l’article premier de l’arrêté du 9 juin 2023 la « réserve sanitaire est mobilisée à
compter du 12 juin 2023 pour une durée de 6 mois […] afin d’appuyer l’ARS Mayotte ». Les abonnés prioritaires,
tels que les établissements médicaux ou scolaires, ont été identifiés et disposent d’un traitement spécifique avec des
chemins de l’eau qui permettent de les alimenter de manière ininterrompue pendant les coupures. Pour les écoles et
les établissements prioritaires qui ne peuvent pas être raccordées aux chemins de l’eau, des cuves pour stocker de
l’eau permettant d’assurer la fourniture d’eau pendant 48h en cas de coupure. La situation est suivie en temps réel
par le ministre de l’Intérieur et des outre-mer et le ministre délégué, chargé des outre-mer, en lien avec le ministre
chargé de la transition écologique et les services de la Première ministre. Pour établir un plan d’action permettant de
déterminer des solutions d’urgence et de moyen terme, une mission de l’Inspection générale de l’environnement et
du développement durable a été conduite à la demande des trois ministres en avril dernier. Elle a rendu ses
préconisations et un plan de travaux d’urgence de 25 M€ est en cours de déploiement. La lutte contre les fuites et
les travaux urgents d’interconnexion du réseau, afin d’assurer la répartition équitable de la ressource entre le Nord,
le Sud et la Petite-Terre, permettront, en quelques mois, d’économiser plusieurs milliers de mètres cubes par jour et
de préparer l’arrivée de nouvelles capacités de production. Ces travaux sont déjà engagés, pour une finalisation à
l’automne 2023. Des travaux de réparation et d’installation de rampes sont également menés, tout comme la
commande de cuves supplémentaires. De nouveaux forages et la mise à niveau de l’usine de dessalement de Petite-
Terre permettront de produire de 2 000 à 2 500 mètres cubes par jour supplémentaires à l’horizon de
novembre 2023. Depuis la mi-avril 2023, le Gouvernement a mobilisé l’ensemble des capacités de désalinisation
des moyens nationaux terrestres de la sécurité civile, soit neuf osmoseurs pouvant fournir 50 mètres cubes d’eau
douce par jour sur une durée de deux mois. Des osmoseurs de moyenne capacité (500 et 700 m3/jour) sont en cours
de commande par LEMA, le syndicat de gestion d’eau et d’assainissement, avec pour objectif d’être opérationnels
au dernier trimestre 2023. D’autres mesures ont été prises pour éviter une inflation du prix de l’eau en bouteille :
l’eau en bouteille est actuellement vendue à prix coûtant et les prix sont suivis afin d’éviter toute spéculation et
augmentation. La logistique d’importation d’eau en bouteille par les acteurs économiques, depuis La Réunion mais
aussi originaire de l’île Maurice, est assurée grâce à un arrêté d’importation temporaire par le Préfet. Les stocks sont
suivis en temps réel par les services de l’Etat et les distributeurs. Une campagne de distribution des kits
d’économiseurs d’eau (30 000) est également lancée, avec le soutien de volontaires en service civique
“Ambassadeurs de l’eau”. La communication à l’égard de la population a également été renforcée, sur tous les
médias, en langues locales, et par des communiqués réguliers de la préfecture, relayés par les mairies. A moyen
terme, les travaux prioritaires d’augmentation de la capacité de production indépendant de la pluviométrie vont être
accélérés. Il s’agit de réorienter le programme de travaux pour renforcer la résilience face aux conséquences du
changement climatique. Ces travaux s’articuleront autour de la modernisation des usines existantes et la
construction d’un nouveau moyen de production par dessalement de grande capacité.