2020, en pleine pandémie, les Mauriciens sont confinés et les réseaux sociaux tournent à plein régime. A ce moment-là, rien ne passe avant les nouvelles liées à la covid-19 mais une information retiendra tout de même l’attention : selon les dernières statistiques de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des Nations Unies, Maurice est le plus gros utilisateur mondial de pesticides par surface agricole. Cette vilaine image ne la quitte plus, sauf que cette information n’est pas vraie, et ne l’a probablement jamais été.
Le journal des Archipels a enquêté.
Suite de l’article à lire sur notre édition du JDA 12…
….C’est au niveau des cultures vivrières qu’un travail important reste à faire. « Pendant les années 70, 80… on a promu une agriculture intensive avec l’utilisation de pesticides et de fertilisants. Aujourd’hui ça a changé, mais il faut un temps d’adaptation. », avance Suman Seeruttun qui ajoute qu’aujourd’hui, grâce à l’innovation, les fertilisants demandent une technique plus pointue pour leur utilisation. Au lieu d’utiliser plusieurs kilos par hectares, ce sont quelques grammes seulement qui sont utilisés dans bien des cas. Une marge d’erreur de 10 % est plus facile à gérer quand on répand des kilos par hectares plutôt que quelques grammes. Les fertilisants sont aussi beaucoup plus ciblés et donc requièrent une maîtrise technique plus poussée des méthodes d’épandage afin de permettre aux produits de toucher leur cible, explique-t-il. Par exemple, le choix des buses est primordial.
La sensibilisation du public est importante.
Autre précaution à prendre : le cocktail de produits. Afin d’économiser du temps, des cocktails de produits sont épandus sur les cultures utilisant par exemple des herbicides et des fongicides ou deux types de fongicides. Cela peut affecter non seulement l’efficacité des produits, mais aussi avoir des effets imprévisibles et indésirables sur l’environnement et la santé humaine.
Prakash Goolaub avance de son côté que les agriculteurs souffrent beaucoup de cette mauvaise réputation, injustement. Selon lui, les agriculteurs mauriciens ont bien compris qu’il était dans leur intérêt d’utiliser le minimum de produits chimiques : cela coûte de plus en plus cher d’utiliser des produits chimiques importés et qui ne rassureront pas leurs clients en fin de compte. « On est plus susceptible de trouver des excuses à un chauffeur qui dépasserait les limitations de vitesse quand bien même il serait au courant de la loi et sensibilisé. Alors qu’un agriculteur dont les revenus dépendent de sa production, on le pointe facilement du doigt ! », avance-t-il, rappelant dans la foulée que la sensibilisation du public est importante. Ce sont les clients qui refusent de consommer et d’acheter des fruits et légumes moches, malgré qu’ils soient tout à fait consommables.
En fin de compte, l’utilisation des pesticides intervient parce qu’un agriculteur a besoin de pouvoir gagner sa vie alors que le consommateur veut des produits beaux et uniformes : une aberration que les agriculteurs paient, injustement.
Rectification pour la Chine mais pas un mot sur Maurice.
Maurice n’est pas le seul pays à avoir vu ses chiffres diffusés par la FAO rectifiés. Dans le rapport de la FAO publié en 2022 (Pesticides use, pesticides trade and pesticides indicators), la FAO reconnaît que les précédents chiffres concernant la Chine ont été revus : « La mise à jour de 2022 comprend une révision à la baisse majeure de l’utilisation totale de pesticides en Chine, ce qui représente une diminution de 85 % par rapport aux données précédemment diffusées. La révision a réduit l’utilisation mondiale totale de pesticides de 40 % par rapport aux données précédentes. C’était le résultat de nouvelles informations reçues du pays, précisant que les chiffres précédents avaient été communiqués à la FAO pour le total des produits formulés plutôt que pour les ingrédients actifs. » Il s’agit de la même erreur pour la Chine et Maurice mais la FAO n’a rien écrit au sujet de Maurice dans ce rapport. Le journal des Archipels a envoyé un email à la FAO qui est resté sans réponse.
Illustration : Capture d’écran du site du Charles Telfair Centre. Un article rédigé par un chargé de cours de physique de l’université de Maurice présente une forte corrélation entre le nombre de cas de cancers et l’augmentation de la quantité de pesticides utilisé à Maurice, sauf que ces chiffres ont été revus à la baisse depuis au moins 2022…