Au cours de notre enquête consacrée à la santé et au bien-être, un mot fut récurrent dans toutes les bouches des personnes interrogées : holistique !
Nous sommes en train de réaliser que nos ancêtres avaient déjà tout compris : en mangeant bio, en nourrissant l’esprit et l’âme de plaisirs simples et de relations humaines à échelles… humaines !
Par Jacques Rombi, directeur de publication “Le Journal des Archipels”
Aujourd’hui nos sociétés (et l’Indianocéanie n’y échappe pas) sont victimes d’un paradoxe : engagées dans une course au consumérisme dont la malbouffe n’est qu’un des épiphénomènes, elles sont en même temps à la recherche de soins palliatifs à leurs mal-être physique et moral.
Autant de pathologies nommées « maladies de civilisation » ce qui est très révélateur, comme le fait remarquer notre invitée dans ces colonnes.
« Retrouver et conserver la pleine santé s’obtient par un mode opérationnel holistique. En effet, c’est la totalité d’un humain et ses particularités qu’il est judicieux de prendre en compte pour résoudre tout problème qui semble pourtant très localisé » (Carole de Souza, page 56).
« Nous sommes des êtres tripartites, composés d’un corps, d’une âme et d’un esprit. Être en bonne santé relève dès lors de l’équilibre de ces trois dimensions » d’après le docteur Sandra Stallaert dans l’éditorial que nous réservons à notre invitée. Elle précise : « il est nécessaire de considérer la personne dans son ensemble en portant une attention particulière sur l’alimentation, l’équilibre psychique, l’environnement ou le mode de vie. »
Nous y sommes, l’approche holistique repose sur trois piliers, nourriture du corps, de l’âme et de l’esprit.
Si la première nourriture est relativement simple à trouver (même si les aliments sains et équilibrés coûtent plus cher que les produits de fast-foods), les deux autres sont à rechercher dans nos modes de vie au quotidien. En premier notre activité professionnelle qui mobilise, soit dit en passant, l’essentiel de nos « heures ouvrables ».
Le plaisir de bosser, une des règles pour vivre mieux.
Une transition logique vers l’actualité française et la réforme des retraites qui touche dans notre région les deux départements de Mayotte et La Réunion. Voici pourquoi.
De quoi parle-t-on au fond ? de pénibilité, de peine, de travail tout simplement dans son sens latin du terme*. Pourtant il existe de nombreux corps de métier où le départ à la retraite n’est pas souhaité ni jamais effectué. Il s’agit de tous ceux qui font un métier qui les passionne et qui sont heureux chaque matin de se lever pour leur job : est-ce qu’un philosophe, un écrivain, un historien (voire même un journaliste) s’arrête un jour de bosser ? non car jusqu’au dernier souffle ces passionnés vont user de leur plume, entretenant ainsi une gymnastique intellectuelle qui, soit dit au passage, quand elle est couplée à une activité physique régulière est le secret pour vivre vieux et en bonne santé.
Beaucoup d’entrepreneurs partagent cette passion pour leur activité et il n’est pas rare d’en voir beaucoup qui, bien que disposant de revenus conséquents, continuent à faire des projets, entreprendre ou encore partager leurs savoir-faire bénévolement ou pas.
Là aussi, de nombreux artisans (souvent artistes), commerçants et membres de professions libérales, s’épanouissent dans leurs activités, leurs passions, et n’envisagent la retraite (cette idée pour les vieux) qu’au bout de leur vie.
« Le temps n’appartient plus à l’immense majorité des forces vives »
On a là tout le paradoxe de notre époque : depuis la révolution industrielle voici deux siècles, nous avons cassé les rythmes ancestraux de la Nature pour imposer, montres aux poignets, une grande division du travail dans laquelle le temps n’appartient plus à l’immense majorité des forces vives, c’est-à-dire aux salariés.
Etre à l’heure est devenue la nouvelle religion des sociétés consuméristes où le retard et l’absence se traduisent en perte de productivité pour l’employeur. Une notion inconnue pour les chasseurs cueilleurs et agriculteurs traditionnels où les rythmes des saisons, du soleil et la lune étaient les seuls vrais patrons.
Aussi demander aujourd’hui de travailler plus longtemps (toujours au sens latin du terme) est insupportable pour une majorité de salariés qui avaient déjà engagé le compte à rebours de leur libération sociale souvent depuis leur premier emploi !
Aussi n’est-il pas opportun de poser la question d’un nouveau modèle social en même temps qu’entrepreneurial ?
Depuis la révolution industrielle la dualité entre communisme et capitalisme s’est imposée jusqu’à nos jours, accouchant d’autant de résultats stériles dans un cas et nocifs dans l’autre.
Si le communisme a accouché de dictatures, répressions massives et finalement de pauvretés généralisées, le capitalisme moderne n’a pas de quoi être fier non plus.
Le consumérisme débridé, revers de la médaille du capitalisme moderne, est synonyme de destruction des écosystèmes, de maltraitance animale, de frustrations généralisées à l’image des gilets jaunes et des grévistes anti retraites.
Ce système d’abondance et de gaspillage qui s’autoalimente se traduit par de gros problèmes de santé issus du stress et de l’obésité qui frappent les plus pauvres et la classe moyenne victimes des fast foods.
Il est donc temps de remettre à l’heure les pendules du temps social : « un esprit sain dans un corps sain » disait déjà le poète satyrique romain Juvenal, 55 ans avant notre ère. Une citation qui aurait pour écho de nos jours : un métier agréable, réalisé dans un esprit coopératif et dans une nouvelle frugalité synonyme de respect des écosystèmes comme de sa propre santé.
En bref une nouvelle approche holistique de l’humain, ce maillon faible de la Nature.
*Le mot « travail » viendrait du bas-latin « tripalium », qui était le nom d’un instrument de torture constitué de trois pieux.