Dans notre quête des meilleures phrases pouvant illustrer la coopération régionale largement prônée dans notre magazine, nous avons choisi ce titre à notre éditorial.
Il s’agit plus précisément d’un cri qui représente bien l’état d’esprit général qui règne encore malheureusement dans nos relations régionales en proie à des querelles de clochers ou de mosquées, quand elles ne sont pas tout simplement écartées par simple nombrilisme insulaire.
Par Jacques Rombi, directeur de publication “Le Journal des Archipels”
Ce cri lancé par la présidente de la Région Réunion lors de l’Assemblée générale de l’Adir* le 6 octobre dernier, est lourd de sens. Huguette Bello intervenait devant un parterre d’industriels réunionnais en référence à la reprise de la chaîne de supermarchés Run Market par le groupe mauricien diversifié IBL. Pourtant il suffit de consulter les comptes du groupe (affichés en toute transparence) ou de lire l’ITV que nous avions réalisée de son dirigeant Arnaud Lagesse (lire le JDA N°7**) pour constater qu’IBL est solide, en plein développement régional et international et ne cesse de créer des emplois et de la valeur dans notre région.
En bref, être repris par IBL c’est un peu la garantie de la réussite et la pérennisation des emplois comme ont pu en bénéficier d’autres enseignes réunionnaises reprises par des mauriciennes comme Edena ou Préfabéton.
L’emploi qui devrait être la priorité absolue de nos dirigeants, d’autant plus quand ils viennent de la gauche de la gauche française (la vraie, celle d’avant la Nupes et son association de « bienfaiteurs »).
Pourquoi des forums économiques ayant pour cap le business ?
Dans ce contexte régional, où la coopération entre entreprises privées est décriée par nos décideurs politiques, à quoi bon organiser (à grand renfort d’argent public) des forums économiques ayant pour cap le business ?
Cap Business justement dont la vocation est de faciliter la coopération régionale grâce à des outils longuement réfléchis et lourdement financés qui ont pour nom : feuille de route, livre blanc, charte graphique et déploiement stratégique… Pourtant force est de constater que les échanges intra régionaux ne cessent de se réduire comme peau de chagrin passant de 5% des échanges globaux en 2010 à moins de 3% aujourd’hui !
Mais loin de nous l’idée de critiquer Cap Business qui, comme d’autres institutions (beaucoup trop d’autres ?) font ce qu’elles peuvent et restent persuadées du bien-fondé de leurs missions. Sauf qu’elles ne sont que les pointes émergées de cacophonies politique et géopolitique invisibles, qui les dépasse et dont le cri de rejet d’Huguette Bello n’est qu’un des épiphénomènes.
La coopération régionale victime de tensions politiques et monopolistiques.
Cap Business (encore) qui a eu le mérite d’organiser avec succès le treizième Forum économique des Iles de l’océan Indien (FEIOI). Cette grand-messe régionale sensée remettre en marche nos échanges régionaux au ralenti depuis la fin de la route des Indes et le percement du canal de Suez.
Une grand-messe qui, « à défaut de réponses aura permis de poser des questions pertinentes » comme le résume très bien notre journaliste Alexandre Karghoo qui a suivi des débats riches en enseignements.
Là aussi, dans notre quête des meilleurs commentaires pouvant résumer le contexte régional, nous en avons relevé un parmi tant d’autres.
Il s’agit de la réponse de Henri Dupuis, directeur exploitation commerce au Grand Port Maritime de La Réunion, faite à Nathalie JOB, directrice de Kantar TNS qui s’inquiétait de l’absence de données liées au trafic maritime.
Mesurer correctement les flux permettrait en effet de définir clairement un business plan nécessaire à l’éventuel investissement dans un navire caboteur pour échanger enfin entre nos îles. Malheureusement d’après Henri Dupuis « les données sont primordiales mais ne peuvent être partagées pour des raisons de compétitivité ! » Vous avez bien lu.
Une réplique passée presque inaperçue (le directeur du Grand Port ayant disparu rapidement des écrans de visioconférences) mais qui en dit long sur un autre frein à la coopération régionale : après les freins politiques ou géopolitiques, les positions monopolistiques font le reste du travail de sape. Les grandes compagnies maritimes (aux marges exponentielles depuis deux ans) conservant jalousement leurs données avec la complicité de ceux qui ont les clés d’accès aux ports.
Heureusement sous l’impulsion de Raj Mohabeer, chargé de mission Commission de l’océan Indien), un comité technique inter-îles sera bientôt mis en place afin de « produire » de la donnée concernant le fret maritime. Son but : permettre à chaque territoire d’améliorer la visibilité pour un transport maritime régional et aider chacun, à établir sa stratégie nationale de transport maritime. Ouf !
Une note optimiste qui nous laisse espérer, comme l’indiquait Joséphine Andriamamonjiarison présidente de Cap Business océan Indien, « que ce ne soit pas un forum de plus ».
* ADIR : Association pour le Développement Industriel de La Réunion.
** lire l’ITV complète ci-dessous.