Karishma Ansaram est une doctorante mauricienne à l’école de gestion IESEG en France. Elle détient une licence en Banking and Finance de l’université de Maurice et une Maitrise en Carbon finance de l’université d’Édimbourg. Elle a assisté à COP26 à Glasgow.
Par Karishma Ansaram
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Le financement du climat (Climate finance) est un sujet d’actualité dans l’arène internationale. Cette dernière a pris de l’importance depuis la ratification de l’Accord de Paris. Le financement du climat est une question hautement politique et âprement disputée lors des négociations sur le changement climatique, notamment dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris, une question que les parties ne peuvent ignorer et à laquelle elles ne peuvent apporter de solutions faciles et pratiques.
Malgré la multiplication des initiatives en matière de financement climatique, il n’existe pas de définition concrète de ce terme. La CCNUCC définit[1] le financement climatique comme “un financement local, national ou transnational – provenant de sources de financement publiques, privées et alternatives – qui vise à soutenir des mesures d’atténuation et d’adaptation pour faire face au changement climatique”. Étant donné l’importance croissante du financement climatique pour lutter contre le changement climatique, Maurice ne devrait pas rester à la traîne dans ces conversations ni dans l’adoption d’une culture du financement climatique.
Une dépendance
L’île Maurice étant sensible à des vulnérabilités multidimensionnelles telles que des niveaux d’endettement élevés et, de plus en plus, le changement climatique, doit adopter diverses initiatives de financement climatique pour être plus résiliente et s’aligner sur les objectifs climatiques. Les besoins actuels en matière de financement climatique, tels que spécifiés dans sa mise à jour des contributions déterminées au niveau national [2] (Nationally Determined Contributions), s’élèvent à 6,5 milliards de dollars. Cependant, seuls 35% sont mobilisés par le gouvernement et le secteur privé, sans aucune mention concrète des initiatives entreprises pour cette mobilisation. Alors que les pays développés ne parviennent pas à respecter leur engagement de 100 milliards de dollars par an, les pays en développement dépendent toujours fortement des financements extérieurs pour faire face au changement climatique. Ces flux externes doivent être plus équitables et prendre la forme de financements concessionnels, par exemple de subventions et d’allègements de la dette, plutôt que d’endetter les pays en développement. Cette dépendance excessive ne concerne pas seulement le financement mais aussi la capacité technique. Un simple coup d’œil aux subventions reçues du Fonds vert pour le climat montre que nous sommes fortement dépendants de l’Agence française du développement pour accéder au financement climatique[3]. Il y a donc un besoin urgent d’institutionnaliser la gouvernance du financement climatique et de réduire la dépendance à l’égard de tiers.
Maurice a également fait du lobbying à travers le groupe des PIED (SIDS) pour augmenter l’accès au financement climatique. Un indice de vulnérabilité multidimensionnel (MVI) est proposé pour aborder l’allègement de la dette des PEID en mesurant la vulnérabilité d’un pays aux chocs externes. En outre, le Climate Finance Access Hub, dont le siège social se trouve à l’île Maurice, cherche à fournir davantage de soutien aux États vulnérables afin qu’ils puissent naviguer dans le système financier international et faire des offres pour le financement climatique.
Pour l’avenir, Maurice devrait s’appuyer sur l’article 6 du mécanisme de l’Accord de Paris pour lever des fonds supplémentaires. En vertu de cet article, les pays seront en mesure d’échanger et de transférer leurs résultats d’atténuation internationaux transférés (ITMO).
Qu’en est-il des pertes et dommages ?
Maurice a adopté un projet de loi sur le changement climatique qui a été publié au journal officiel le 28 novembre 2020[4]. Le projet de loi donne un minimum d’informations sur l’aspect financier de la lutte contre le changement climatique. Nous semblons avoir compris nos priorités. La version actualisée des NDC fait une plus grande place à l’adaptation qu’à l’atténuation. L’engagement à lutter contre les pertes et dommages reste cependant flou dans ces promesses. Il y a seulement un rapport sur les décès et les dommages, mais aucun mécanisme n’est mis en évidence sur les pertes et dommages.
Néanmoins, n’ignorons pas les efforts de l’île Maurice pour faire progresser le financement du climat. Après trois ans de discussions sur les obligations vertes, nous disposons enfin d’un guide sur les obligations vertes produit par la Banque de Maurice et autorisé par la Commission des services financiers[5][6]. Il est louable de voir que CIM Financial Services Ltd[7] a déjà introduit ses premières obligations vertes dans le cadre de ce programme. Un projet de directive sur la gestion des risques financiers liés au climat et à l’environnement est également partagé avec les banques et les institutions de dépôt non bancaires pour consultation. L’introduction de lignes directrices sur les initiatives liées au financement climatique pourrait améliorer notre image, mais il est nécessaire de réduire les ambiguïtés dans ces documents. Malgré la prévalence de pratiques et de normes internationales efficaces, les lignes directrices n’imposent pas aux entreprises d’atteindre les objectifs climatiques au lieu de s’engager dans le green washing.
Depuis quelques années, il existe un flux de financement climatique sous forme de prêts par le biais du mécanisme SUNREF. Il offre des prêts à petite échelle (environ 10 millions de roupies) et à grande échelle (environ 200 millions de roupies) à un taux d’intérêt nul. Une liste de projets éligibles a été publiée par Business Mauritius[8]. Dans tous ces cas, l’additionnalité de ces projets devrait être renforcée. Le terme d’additionnalité fait l’objet de plusieurs débats. Il s’agit de financer un projet qui s’écarte du Business As Usual et qui n’aurait pas dû être financé autrement.
Ne pas se reposer sur ses lauriers
La finance climatique est un univers à part entière. Il est équipé de divers mécanismes qui aideront à lutter contre le changement climatique. Nous devrions étudier les mécanismes de financement du climat tels que la taxe sur le carbone pour lever des fonds ou l’échange de résultats d’atténuation au titre de l’article 6. La mobilisation du financement climatique doit être au cœur des préoccupations de l’île Maurice. Dans tout cela, nous ne devons pas oublier les diverses parties prenantes qui doivent être engagées dans ce processus. Il s’agit d’abord d’accroître la transparence, la responsabilité et la communication sur les fonds reçus et d’alléger la bureaucratie pour accéder au financement climatique.
[1] unfccc
[2]unfccc.SIDS.
[3] greenclimate
[4] mauritiusassembly
[5] unepfi
[6] fscmauritius
[7] stockexchangeofmauritius
[8] businessmauritius/sunref