Dans notre article précédent (Cf. Le Journal des Archipels N° 3) nous avions mentionné les green ports dans les opportunités positives qui s’offrent dans l’économie mondialisée du transport maritime.
Un lecteur nous a posé des questions sur ce terme de green port qui semble au premier abord se référer à un principe écologique appliqué aux infrastructures portuaires. C’est vrai qu’en souriant, cela sonne comme une réplique dans le célèbre film de science-fiction Le Cinquième Elément de Luc Besson : « il faut que ce soit green..! OK ? ».
La réalité est moins détendue, il y a effectivement de plus en plus de réactions dans les villes portuaires face à la présence de navires imposants qui se présentent à la vue des habitants et qui génèrent des nuisances. On pense à Venise et aux interdictions récentes de la présence des navires de croisières géants entrant dans la cité des Doges. Mais un autre aspect controversé est l’émanation des fumées des cheminées – souvent avec du soufre et des particules fines – des navires qui tout en restant à quai font tourner leurs groupes électrogènes et moteurs auxiliaires, notamment pour maintenir à bord la température des containers réfrigérés. Parfois il s’agit de plusieurs centaines de containers 40 ft reefer (longueur 12 mètres – 76 M3) qui sont embarqués et qui ont besoin d’énergie électrique pour maintenir la qualité des produits alimentaires et autres avec des températures positives (+2° +4°) ou négatives (-18° -20°). La solution que certains ports propose aujourd’hui est de brancher ces navires à quai en leur fournissant une énergie électrique qui elle-même aura été produite par des centrales utilisant une énergie renouvelable ou non, et dans tous les cas éloignées des ports. Cette fourniture à quai de solutions électriques est le principe de base du port dit green port et permet donc un air plus pur dans les villes portuaires dans l’objectif toujours de réduire les émissions de CO2 et des oxydes de soufre nuisibles à la santé.
L’industrie de la croisière est aussi en train de développer un label green cruise
D’autres services liés à la protection de l’environnement sont proposés dans certains ports comme les facilités pour les embranchements ferroviaires ou les transferts sur le domaine fluvial visant à remplacer l’usage du « tout camion ». Là encore c’est la chasse au moteur thermique. Il est clair qu’il s’agit aujourd’hui d’une tendance lourde qui s’impose dans les stratégies logistiques de tous les acteurs économiques. Le consommateur veut savoir de plus en plus que son produit a été acheminé avec le moins de pollution possible au travers de la désormais fameuse « supply chain » globale (chaîne d’approvisionnement) que ce soit pour des distances longues ou courtes. L’industrie de la croisière dans le cadre d’un tourisme responsable et durable est aussi en train de développer un label green cruise avec des navires n’escalant que dans des ports réputés propres.
De nombreux ports dans le monde sont déjà équipés (Canada et Chine) et d’autres sont dans le processus d’acquérir cet ensemble de technologies et un label green port est déjà disponible et décerné comme dans les normes de qualité par un organisme indépendant. On doit d’ailleurs s’attendre à une harmonisation dans les prochaines années de cette norme de green port qui recoupe parfois d’autres normes environnementales liées à la gestion des déchets ou des eaux usées portuaires ou des normes ISO (International Standard Organisation) sur l’environnement en milieu industriel.
Les ports prêts à fournir l’énergie électrique aux navires auront un complément de recettes avec un bon retour sur investissements
Comme l’autre norme de sécurité ISPS (International Ship and Port Security code) , cette norme de green port pourrait devenir obligatoire dans certaines régions accompagnant les nouvelles mesures de protection de l’environnement que nous avons vues dans l’article précédent : le glofouling et le globallast, préparées par l’Organisation Maritime Internationale (OMI). Des incitations financières sont envisagées, se présentant sous forme de réductions de taxes et redevances pour certains navires prouvant une performance énergétique vertueuse. Cela pourrait être aussi un choix délibéré de certains armateurs de ne travailler que dans des green ports selon un cahier des charges strict et leur objectif ultime de travailler avec le moins d’empreinte carbone possible. Si ces obligations se concrétisent, une anticipation ne doit pas être négligée car les ports du futur et notamment ceux axés sur les activités de transbordement seront écologiques ou ne seront pas. Cette anticipation nécessite de nombreux moyens et des investissements coûteux qui doivent être décidés bien à l’avance car il s’agit de prévoir notamment des productions d’électricité en adéquation. On pense à la réhabilitation en cours du port de Tamatave ou celle du port de Longoni à Mayotte qui gènère déjà des volumes importants de transbordement de containers. Ailleurs en Afrique du Sud et au Congo des ports sont en train de s’équiper de façon prioritaire pour les navires porte-containers, soutenus par les organismes financiers internationaux qui axent leurs interventions sur le changement climatique et la protection de l’environnement.
Photo : Philippe Murcia
La vision d’un futur écologique et protecteur dans la desserte maritime régionale serait l’utilisation de petits navires feeders utilisant des biofuels ou en partie hybrides électriques pour les ports des îles, et transbordant dans de grands green ports sur des navires branchés à quai. Qu’il s’agisse de navires approvisionnés grâce à des terminaux au GNL (gaz naturel liquéfié), de biofuels, biomasses ou d’électricité disponible à quai, ces innovations et cette recherche permanente pour minimiser l’impact négatif de l’intervention humaine dans les ports et dans le transport nous rend plus optimistes sur le futur de la planète bleue et sont de réelles opportunités économiques créatrices d’emplois diversifiés.
Article paru sur notre édition de janvier/février 2022