Dans un courrier adressé à notre rédaction en date du 15 janvier, Mansour KAMARDINE, député de Mayotte, conseiller départemental, dénonce une nouvelle fois, un projet de loi inutile.
En effet, le jeune département français, au bord de la guerre civile et en proie à une immigration massive, a besoin de mesures draconiennes et urgentes. Apparemment le message n’est toujours pas passé du côté des instances parisiennes malgré les nombreuses réunions et revendications de la population.
Voici l’intégralité du courrier :
Demande d’une négociation urgente avant présentation en conseil des ministres
Sollicité pour avis par le gouvernement, le Conseil départemental de Mayotte a rejeté à l’unanimité (majorité LR-Divers droite et minorité LREM-MDM) le projet de loi Mayotte, lors de son examen le 14 janvier, tout en formulant le vœu d’ouverture en urgence d’une négociation afin d’élaborer une véritable loi-programme avant sa présentation en conseil des ministres.
En effet, les vœux des Mahorais se concentrent sur l’égalité sociale, le développement économique durable, la mise à niveau des infrastructures de base, la sécurité et la maîtrise des frontières. Or ces vœux n’ont pas été traduits dans le projet gouvernemental.
Pourtant ces aspirations sont justes et naturelles car Mayotte est la région la plus pauvre de France (77% des ménages vivent sous le seuil de pauvreté), la plus sous-équipée en matière d’infrastructures, celle où les services de base à la population (éducation, santé, eau…) sont les plus défaillants et où la pression migratoire est la plus forte avec son cortège de violence (record européen du taux d’homicide).
Présentement, l’actuel projet gouvernemental est marqué par l’absence d’une véritable co-construction avec les acteurs institutionnels. L’élaboration des dispositions précises et des articles des projets de loi, malgré les engagements pris à l’issue de la consultation publique de mai 2021 et leur réitération multiple, notamment dans les déclarations du gouvernement d’août 2021, n’a fait l’objet d’aucun échange formel avec les acteurs institutionnels.
C’est pourquoi, le projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte et le projet de loi ordinaire relatif au développement accéléré de Mayotte et portant dispositions diverses sur la Guyane ont suscité une profonde déception dans l’opinion publique, la société civile et les acteurs institutionnels mahorais.
Parallèlement, territoire de tous les enjeux et de toutes les urgences, Mayotte est, à force de déception et de patience vaine, la proie des extrêmes qui aspirent à en faire un marchepied dans leur dessein national. Je ne peux imaginer, ni que Mayotte, ni que la France soient ainsi livrées aux passions tristes par manque de prise en compte de l’idéal républicain : la Liberté, l’Egalité, la Fraternité.
C’est pourquoi, je formule, en tant que parlementaire, en appui des délibérations du Conseil département de Mayotte la proposition de l’ouverture, en urgence, d’une concertation-négociation entre le gouvernement et les acteurs institutionnels mahorais afin de présenter en conseil des ministres une véritable loi-programme répondant aux aspirations de nos concitoyens de Mayotte et qui ferait de Mayotte un véritable porte-avion de l’influence française et européenne en Afrique australe et de l’Est.
A sa lecture, le projet gouvernemental ne peut s’apparenter à une loi-programme, tel qu’annoncée publiquement par le gouvernement dès le 31 mars 2021 et en août dernier, puisque la planification financière est totalement absente du projet de loi ordinaire.
En second lieu, pour ce qui a trait à la sécurité et à la maîtrise des frontières, véritable nœud gordien à Mayotte, quand bien même les dispositions envisagées vont dans le bon sens, elles sont insuffisantes en matière législative et totalement absente en matière de moyens, notamment en ce qui concerne la modernisation de la base de la Marine Nationale et son équipement en patrouilleur de nouvelle génération.
De plus, en termes d’équipements, aucune mise à niveau des routes nationales n’est prévue, la piste longue prend de plus en plus la voie d’une longue piste courte, l’université de plein exercice et son Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) en propre ne sont pas à l’agenda et – si le statut du port de Longoni est abordé – rien n’indique qu’il évoluera vers une plateforme d’éclatement à même de positionner Mayotte au cœur des échanges économiques régionaux.
En outre, les avancées proposées à court terme en matière d’égalité sociale sont insuffisantes et surtout imprécises. Il en est de même concernant l’agenda d’ouverture des droits et d’alignement social sur les normes nationales puisque l’essentiel est renvoyé à une conférence sociale sans cadre et sans date de clôture, alors qu’un consensus s’est d’ores et déjà dégagé localement entre les partenaires sociaux.
Quant à l’élévation du système hospitalier mahorais en Centre hospitalier régional universitaire (CHRU), à la mise en œuvre de la tarification à l’acte et à l’institution de l’Aide médicale de l’Etat (AME) pour des raisons évidentes de transparence et de sincérité budgétaire, le projet gouvernemental est mué.
De surcroît, en ce qui concerne les aspects institutionnels, l’Etat semble décidé à conserver une maîtrise de l’aménagement du territoire à travers l’Etablissement foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM) au mépris de l’article 1er de la Constitution (organisation décentralisée de la République) et de l’égalité des territoires (seul établissement public d’aménagement Outremer qui n’est pas présidé par un élu local). Le régime projeté s’apparente à une centralisation déguisée.
D’autre part, en matière d’intégration régionale, la participation de la France à la Commission de l’Océan indien au titre de la Réunion mais également de Mayotte n’est pas évoquée.
Par ailleurs, le projet gouvernemental n’aborde pas au niveau requis des problématiques essentielles : la préservation de l’environnement et l’accès aux biens universels que sont l’eau potable et un air de qualité. En effet, la pression sur les écosystèmes, la biodiversité et le lagon de Mayotte engendrée par le changement climatique, les énergies carbonées, la surpopulation et l’habitat informel est délétère. Or ces points ne font l’objet qu’aucune disposition dans le projet gouvernemental.
Enfin, le rôle et la place de la Justice, pilier majeur de l’Etat républicain, sont totalement absents du projet de l’exécutif.
Les justes aspirations des Mahorais à la sécurité, à la maîtrise des frontières, à l’égalité sociale et l’égalité des chances, à un développement économique durable, au progrès des taux d’équipements publics nécessaires à l’amélioration du cadre de vie et à l’intégration régionale nécessitent bel et bien une réécriture des projets de loi avant leur présentation en Conseil des ministres et leur dépôt au Parlement, afin de les hisser au niveau des enjeux du territoire et de ses ambitions régionales.