Par Jacques Rombi, directeur de publication

« Oui, mes amis, je crois que l’eau sera un jour utilisée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène qui la constituent fourniront une source de lumière et de chaleur inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir. »

Cette phrase, écrite par l’écrivain français Jules Verne dans «L’île mystérieuse» en 1875, résume à elle seule toute la complexité et l’anachronisme dans lequel nous vivons aujourd’hui. Alors que des sources d’énergies étaient connues et reconnues par nos anciens depuis des siècles, la facilité d’utilisation des énergies fossiles avait depuis relégué les partisans de l’énergie renouvelable (qui ne disait pas encore son nom) dans la catégorie des doux rêveurs.
Une facilité d’usage qui, soi-dit au passage, fut l’alibi à la constitution d’empires financiers multinationaux du côté des importateurs d’or noir et de l’émergence des pétromonarchies d’un autre.
Aujourd’hui, deux siècles après avoir utilisé à outrance les énergies fossiles (charbon à l’origine des révolutions industrielles, puis pétrole à l’origine des cataclysmes environnementaux), nous redécouvrons Jules Verne et ses paroles prophétiques.
Nous sommes désormais dans une impasse qui nous oblige à repenser complètement notre façon de vivre et de produire.
Une belle occasion de faire une introspection à grands renforts de meetings internationaux, COP (pour Conférences de Parties) en tête et autres webinaires quasi quotidiens.

Pour les uns, il s’agit de trouver et s’engager sur des solutions qui sont en partie à découvrir dans nos pages (lire le JDA 4 NDLR). La question, posée en une de notre magazine : « L’indianocéanie, le laboratoire des nouvelles énergies ? » est un brin provocateur car comment, nos archipels éloignés des grands pôles de croissance internationaux pourraient être des modèles ?
C’est que justement, nos retards relatifs permettraient de prendre le train de l’innovation plus facilement que les autres, déjà engagés dans des systèmes lourds à gérer aujourd’hui et onéreux pour en sortir demain.
Les petites îles européennes de Mayotte et La Réunion pouvant capter des flux financiers et des méthodologies élaborées loin d’ici.
La Grande Ile, cœur de notre Indianocéanie, produisant matières premières comme le silicium issu du quartz abondant à Madagascar.
Les transferts de savoir-faire, moteurs d’une coopération régionale que notre magazine essaie de promouvoir, n’ayant plus qu’à se mettre en oeuvre sous l’impulsion des organismes régionaux qui sont là pour cela : Commission de l’océan Indien aux commandes et chambres de commerce de chaque île (à défaut d’avoir une véritable Union des chambres de commerce qui se cherche encore, aux dernières nouvelles).

Les grands-messes de la repentance

Pour d’autres, au contraire, ces grands-messes internationales sur le climat et l’énergie n’auront été que des tribunes pour la revendication anachronique d’une compensation financière liée à la victimisation.
Pourtant, comme nous l’avons expliqué sur nos précédentes éditions, si la famine sévit par exemple dans le sud de Madagascar, elle est liée à une carence en aménagement du territoire qui n’a jamais anticipé la croissance démographique exponentielle.
Des analyses qui viennent d’être confirmées par l’excellent travail d’un collectif de scientifiques internationaux et indépendants pour qui « l’occurrence de faibles précipitations observées de juillet 2019 à juin 2021 dans le sud de Madagascar n’a pas augmenté de manière significative en raison du changement climatique d’origine humaine. »

A lire sur : https://www.climatecentre.org/7303/factors-other-than-climate-change-are-main-drivers-of-madagascar-food-crisis-study/

Une remise à l’heure des pendules climatiques qui devrait servir de leçon aux professionnels de la repentance.

Mais c’est un autre débat, au même titre qu’un autre sujet qui colle pourtant à notre calendrier indianocéanique : le jour du bouclage de cette édition, le 20 décembre précisément, coïncidait avec la fameuse « Fèt Kaf » à La Réunion qui célèbre l’abolition de l’esclavage dans l’île. L’occasion de belles manifestations culturelles, festives et fraternelles comme seule La Réunion sait encore en produire dans notre région.

Pourtant, quelques semaines auparavant, le 3 novembre précisément, la chaîne publique Réunion La Première diffusait un reportage où on y voyait une fillette d’une dizaine d’années vendue à un vieux barbu par sa famille en Afghanistan. La paupérisation de ce pays liée au retour du pouvoir des Talibans serait en cause. Mais nous avons là toutes les manifestations de l’infamie humaine : pédophilie, irrespect de la femme, de l’enfant et… esclavage !
Dès le lendemain j’ai essayé de scruter les réseaux sociaux de la chaine publique et d’ailleurs en pensant y voir partagés des commentaires horrifiés comme on sait le faire facilement dans ce département français qui n’en finit pas de faire des vagues freedomiennes et c’est tant mieux. Mais là rien, pas un mot, pas un commentaire.
Le 20 décembre ne serait-il pas la bonne occasion de dénoncer ces esclavages modernes qui, de Pemba au sous-continent indien, sévissent depuis des millénaires (et bien avant et après la parenthèse historique des commerces triangulaires), sur tout le pourtour du grand océan Indien ?