Le projet développé par Sealogair s’inspire en partie de ce modèle de porte-conteneurs équipé d’une voile de kite. (DR)
Le mot n’est pas trop fort : Révolution !
Pourquoi ? En combinant les nouvelles technologies à une nouvelle logistique, le tout desservi à terme par un navire hitech fonctionnant avec nos déchets, le marin Christophe Deboos nous donne tout simplement une leçon d’économie circulaire. Explications.
Si Christophe Deboos (photo) peut nous donner des leçons c’est bien qu’il a le profil d’un professeur : ex Area Manager Réunion-Mayotte chez Maersk (entre 2004 et 2008), cet accompagnateur de Compagnons (il accompagne de jeunes scouts à bâtir et réaliser un projet à l’étranger), s’est mis à son compte pour expérimenter le projet Sealogair. Parallèlement, il a mis en place le projet Fourmize qui a fait ses preuves à La Réunion et qui fait partie intégrante du développement de Sealogair.
Avec un affrètement de navire parfaitement adapté aux besoins des échanges maritimes entre nos îles, Christophe Deboos avait pu tester en 2019 les problématiques liées à la connectivité maritime intra régionale. Même si le projet Sealogair a marché relativement bien, la crise liée au Covid aura ralenti la phase 2 du développement qui consistait en une levée de fonds pour créer une vraie compagnie maritime. Et c’est tant mieux si l’on en croit le bouillonnant entrepreneur : « aujourd’hui le monde va très vite et il faut avoir une longueur d’avance qui, chez nous, se traduit par une vision en 2025 ». C’est le temps que Christophe Deboos estime pour mettre sur pied un projet révolutionnaire en deux temps : la première étape, qui a déjà commencé, consiste en la mise en service d’une application qui va permettre de fluidifier les échanges Air-terre-mer : « grâce à notre expérience avec Sealogair en 2019, nous avons développé une application qui permet de grouper des petits et moyens volumes, les suivre jusqu’à leur destination finale. C’est une caractéristique dans notre région, les flux sont souvent trop faibles pour intéresser les grandes compagnies maritimes qui préfèrent mettre leurs conteneurs sur les grandes routes. Chez nous, avec les mini box* il est désormais possible à nos industriels ou agriculteurs d’expédier une quantité relativement faible de leur production vers les autres îles. Le système fonctionne comme une centrale de réservation et le client, le transitaire ou l’importateur peut suivre en temps réel la marchandise qui peut aussi bien être transportée par camion, avion, bateau… »
Nos plastiques et huiles usagées comme carburant
Mais la révolution ne fait que commencer par là. Alors que tout le monde l’attend sur l’achat d’un bateau et la création d’une nouvelle compagnie maritime, Christophe Deboos, que nous avons contacté en France métropolitaine début avril, voit déjà plus loin : « les bateaux au fioul, même peu chargés en soufre, c’est fini. Aussi nous travaillons sur a conception et la construction d’un navire hybride qui fonctionnera à la fois à la voile et au fioul vert, c’est-à-dire produit à partir des plastiques et des huiles usagées consommées dans nos îles ». Et c’est là où le professeur d’économie circulaire nous donne une leçon : « avec l’entreprise Fourmize, qui s’implante à Maurice cette année, nous allons investir dans une machine qui, par un système de pyrolyse, va produire du fioul vert à partir du plastique. Pour le cas de La Réunion seulement, les stocks sont largement suffisants avec 120000 tonnes de plastiques annuels. Soit de quoi produire localement la moitié des 13000 tonnes de fioul importé de Singapour seulement pour les besoins locaux du transport maritime. On pourrait donc utiliser ce fioul vert non seulement pour les besoins de notre bateau, mais aussi en revendre à d’autres compagnies ».
Christophe Deboos lance une perche à tous ceux qui réclament depuis plus de 20 ans la création d’une compagnie maritime pour nos îles. Aujourd’hui les compagnies privées et publiques sont invitées à participer à ce projet qui dépasse largement celui d’une simple compagnie. A suivre dans nos colonnes.
*Le MCP Famagusta, navire affrété par Sealogair en 2019, transportait jusqu’à 600 MCP (Mini Container pool).
Article extrait de notre magazine le Journal des Archipels 1
Jacques Rombi