Joël Mône, un des rares maîtres verriers encore en activité dans le monde.
photos : J.Rombi
A l’occasion de la rénovation des vitraux du château de Bel Ombre, dans le sud du pays, nous avons rencontré Joël Mône, un des rares maîtres verriers encore en activité dans le monde.
Si nous avons choisi de faire un focus sur cet artiste professeur (il enseigne son art dans certains lycées professionnels), c’est justement parce que ce métier en voie de disparition, pourrait bien renaître de ses cendres. Un peu à la manière des merveilleux vitraux qui naissent de la fusion du sable et du feu et qu’il a le privilège de mettre en beauté.
Pour lui : « j’ai appris ce métier à Lyon, en France, auprès de madame Joséphine Lamy Pallet qui elle-même tenait son savoir-faire d’un atelier familial datant de 1840. Une tradition qui se perpétue de maître à apprenti comme je l’ai fait avant de créer mon propre atelier : « Vitrail Saint Georges » en 1979.Ce type d’atelier est de plus en plus rare dans le monde et notamment en France, berceau de cette technique ancienne : « voici un siècle, on pouvait compter deux ateliers en moyenne par département français (soit environ 200 ateliers en tout NDLR), aujourd’hui nous ne sommes plus qu’une dizaine ».
Sur cette dizaine, beaucoup ne font que de la rénovation, rares sont ceux comme Joël qui font de vraies créations : « quand on maîtrise la chaîne complète, il faut savoir à la fois choisir les matières premières, notamment les sables, qui vont produire des couleurs et des lumières différentes, mais aussi anticiper sur des créations architecturales avec des dessins… »
100% de réussite professionnelle pour les maîtres verriers
Les références seraient nombreuses à énumérer ici après 45 ans d’expérience pour Joël et son équipe, mais citons la récente coupole des Galeries Lafayette à Paris qui fait 35 mètres de diamètre et qui a dû mobiliser 35 personnes sur un mois, (pour sa pose seulement).
Rares sont également les maître verriers qui transmettent leur savoir à de jeunes apprentis. Chez Joël à Lyon, l’atelier est composé de six personnes qui travaillent et apprennent tout le temps puisque chaque création est unique. C’est son fils Jean, aujourd’hui directeur de l’entreprise, qui a prévu de reprendre le flambeau de cette technique ancestrale. Mais surtout, Joël Mône a le privilège d’enseigner sa technique à des étudiants : « il y a aujourd’hui à Lyon un centre de formation, agréé par l’Education Nationale, dans lequel j’assure des cours auprès de 3 à 6 jeunes chaque année. La formation aboutit à un CAP (Certificat d’Apprentissage Professionnel) connait 100 % de réussite pour l’obtention du diplôme mais aussi 100% de réussite dans la vie professionnelle ». Il faut souligner ici que les jeunes en apprentissage reçoivent également une formation en gestion de ce type d’entreprise assurée par la Chambre de Métiers.
Une belle perspective de débouché professionnel à l’heure où l’authentique et la belle création revient au goût du jour. A méditer pour eux qui cherchent leur avenir professionnel.
Pour Bel Ombre, la création a d’abord été réalisée en France
La création, qui se fait en plusieurs étapes, avait pour but de remplacer les vitraux cassés du château datant du 19ème siècle et remplacés par de vulgaires morceaux de verres peints. La technique consistant en la production de vitraux à partir de sables et d’oxyde de fer produits à Saint Just dans la Loire, puis soufflés à la bouche. Chacune des 24 impostes posées à Bel Ombre n’ayant pas la même couleur et donc la même intensité lumineuse. C’est ce qui rend du coup de lieu magique avec des couleurs qui changent tous les jours de l’année et toutes les heures du jour…
Après un repérage préalable en 2019 avant de poser sur le papier le projet final (des aquarelles au 1/10ème avec détails des armatures), Joël a pu poser ses vitraux qui avaient été prédécoupés à Lyon, avec l’aide du personnel de Bel Ombre.
A Maurice durant deux semaines en début d’année…
Une technique venue d’Egypte ?
C’est la théorie avancée par Joël Mône qui, en bon passionné, s’intéresse à ‘origine de son art : « Il est difficile d’avoir des datations précises sur les vitraux car la datation au carbone 14 est impossible. En tous cas le plus vieux chantier connu est celui de la Cathédrale Saint Jean de Lyon qui date du 12ème siècle ». Une date qui coincide avec l’hypothèse historique de Joël : « les Egyptiens maîtrisaient la production grâce aux multiples qualités de sable qui bordent le fleuve Nil. Ces vitraux étaient importés en Europe depuis longtemps,mais avec les invasions arabes à partir du 7ème siècle, les exportations étaient devenues impossibe. ?Il a fallu alors se débrouiller avec les sables disponibles en Europe et ce sont les Francs, sous Charlemagne qui auraient développé leur propre technique, qui s’est développée pour connaitre son apogée au 12èeme siècle. La couleur rouge par exemple, serait une invetion française grâce à des teneurs en oxyde de fer.
Exportation du savoir faire
Fondateur de l’atelier Vitrail Saint-Georges, cet amoureux des images de lumières travaille en étroite collaboration avec son fils, Jean Mone qui a repris en 2010 la direction de l’atelier, lui permettant ainsi de se déplacer à l’international sur des lieux historiques afin d’apporter son savoir-faire dans la restauration des vitraux. Aujourd’hui, nous pouvons retrouver les créations de Joël Mone en région Rhône-Alpes ainsi qu’au Japon, à Singapour, au Canada, en Espagne, au Cambodge, en Martinique et depuis 2021 à Maurice.
Reportage : Jacques Rombi